Le 31 mars 2025, le tribunal judiciaire de Rennes s’est prononcé sur la protection des photographies culinaires par le droit d’auteur en France. Une décision importante dans ce secteur, qui illustre la difficulté à obtenir une protection au titre du droit d’auteur pour de tels clichés.

Contexte de l’affaire
La société SUCRÉ SALÉ, qui exploite une banque d’images culinaires et commercialise des licences d’utilisation, a assigné un artisan pêcheur et traiteur, pour avoir utilisé sur son site internet deux photographies culinaires sans autorisation, ni licence. La société SUCRÉ SALÉ réclamait des dommages et intérêts pour contrefaçon de droits d’auteur, et subsidiairement pour parasitisme, estimant que le défendeur avait profité de ses investissements sans contrepartie.
Le critère d’originalité au cœur du litige
Si l’exploitation non-autorisée n’était pas sujette à débat dans le cadre de ce litige, c’est la question de l’originalité des photographies utilisées par le pêcheur qui a été soulevée.
En effet, la protection par le droit d’auteur n’est possible que si la photographie présente un caractère original, c’est-à-dire qu’elle porte l’empreinte de la personnalité de son auteur et résulte de choix libres et créatifs. La charge de la preuve de cette originalité incombe à celui qui revendique la protection, en l’occurrence la société SUCRÉ SALÉ.
En examinant les deux clichés – l’un représentant un plat de rougets cuisinés, l’autre une limande sur fond blanc – le tribunal a estimé qu’ils se contentaient de présenter fidèlement leur sujet, sans mise en scène ou parti pris artistique particulier. Le cadrage, la lumière et la composition n’ont pas été jugés suffisamment originaux pour révéler la personnalité du photographe.
Ainsi, en l’absence d’originalité, les photographies ne sont pas protégeables au titre du droit d’auteur et la contrefaçon n’est pas caractérisée.
Rejet des demandes en contrefaçon et parasitisme
Non seulement les demandes fondées sur la contrefaçon ont été rejetées, mais le tribunal a également écarté l’argument du parasitisme économique : la diffusion temporaire de photographies banales, non estampillées et trouvées sur Internet, n’a pas été considérée comme une faute civile. Aucun préjudice réel n’a été démontré par la société SUCRÉ SALÉ, notamment parce que la société fondait l’essentiel de ses demandes sur une atteinte au droit d’auteur qui n’a pas été reconnue.
Portée de la décision
Cette décision confirme, encore une fois, la jurisprudence française dominante : seules les photographies présentant une véritable originalité – un apport créatif manifeste – peuvent prétendre à la protection au titre du droit d’auteur.
Les clichés culinaires, souvent réalisés dans un but informatif ou commercial, peinent à remplir ce critère lorsque leur composition reste neutre ou classique. Le tribunal rappelle ainsi que la protection n’est jamais automatique, même pour des œuvres issues du travail d’un photographe professionnel.
Conséquences pour les professionnels de l’image culinaire
En cas de litige avec un tiers, les banques d’images ou photographes culinaires doivent être en mesure de démontrer concrètement l’originalité de leurs œuvres. À défaut, l’utilisation non autorisée de telles images, si elles sont jugées banales, ne pourra être sanctionnée ni sur le terrain du droit d’auteur, ni sur celui de la responsabilité civile, sauf preuve d’un préjudice distinct et d’une faute caractérisée.