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L’UPCYCLING DEVANT LA JUSTICE : HERMES FAIT CONDAMNER LA REUTILISATION NON-AUTORISEE DE SES FOULARDS

Droit de la propriété intellectuelle

Le 10 avril 2025, le tribunal judiciaire de Paris a rendu une décision inédite et particulièrement détaillée en ce qui concerne l’upcycling (ou « surcyclage », pratique visant à revaloriser des « déchets », souvent vêtements et accessoires, de façon écologique, économique et créative), confrontant le recyclage créatif aux droits de propriété intellectuelle dans le secteur du luxe.

Contexte de l’affaire

L’affaire en question oppose Hermès, maison emblématique du luxe français, à la société Maison R&C et sa dirigeante, qui avaient lancé une activité de transformation de vestes en jean Levi’s en y intégrant des empiècements découpés dans des foulards Hermès. Ces vestes, présentées comme des créations d’upcycling, étaient personnalisables et commercialisées en ligne, notamment via un site internet et les réseaux sociaux, mettant en avant des modèles iconiques de la marque Hermès.

Hermès a alors assigné Maison R&C pour contrefaçon de droits d’auteur et de marque, ainsi que pour concurrence déloyale et parasitisme, estimant que la réutilisation de ses foulards et de ses dessins originaux constituait une exploitation non autorisée de ses droits.

Des foulards protégés au titre du droit d’auteur

Les foulards Hermès, protégés par le droit d’auteur, sont réputés pour leurs dessins originaux réalisés par des créateurs de renom. Hermès a soutenu que l’utilisation des foulards, même authentiques et d’occasion, dans une nouvelle création commerciale ne pouvait se faire sans son accord, dès lors que les œuvres conservaient leur valeur économique et leur originalité.

En réponse : l’épuisement des droits, liberté de création et protection de l’environnement 

La défense de Maison R&C reposait sur trois arguments principaux :

  • L’épuisement des droits (principe selon lequel les droits d’auteur et de marque seraient épuisés après la première mise en circulation licite),
  • La liberté de création,
  • Et la contribution environnementale de l’upcycling.

La position du tribunal

Le tribunal a rejeté l’ensemble de ces arguments. Il a en effet estimé que l’épuisement des droits ne s’appliquait pas en l’espèce, car la transformation des foulards allait au-delà d’une simple revente d’occasion : le découpage et l’intégration dans de nouveaux produits constituaient une nouvelle exploitation commerciale, nécessitant l’autorisation du titulaire des droits.

Concernant la liberté de création et la dimension écologique de l’upcycling, le tribunal a souligné que les foulards Hermès n’étaient pas des « déchets » mais bien des objets ayant encore une valeur marchande, et que l’activité commerciale en cause ne pouvait se prévaloir d’un bénéfice environnemental suffisant pour justifier l’atteinte aux droits de propriété intellectuelle.

En d’autres termes, le tribunal fait primer la protection au titre du droit d’auteur sur l’objectif écologique.

Le Tribunal a également retenu la contrefaçon de la marque Hermès, ainsi que le parasitisme, la société défenderesse ayant indûment profité de la renommée de la maison Hermès pour valoriser ses propres créations.

Conclusion et recommandations pour les professionnels de l’upcycling

Cette décision à visée pédagogique marque un tournant dans l’encadrement juridique du surcyclage en France, rappelant que l’upcycling, même motivé par des préoccupations créatives ou environnementales, ne saurait justifier l’atteinte aux droits de propriété intellectuelle lorsque les supports réutilisés conservent une valeur économique. Elle fixe une limite claire : le réemploi créatif d’objets de luxe ne doit pas porter atteinte aux droits d’auteur et/ou de marques des tiers, sous peine de sanctions pour contrefaçon et parasitisme.

Afin de réduire le risque de litige, il est par ailleurs recommandé, pour les professionnels de l’upcycling, de réutiliser des produits de seconde main dépourvus de valeur économique intrinsèque.